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AMÉLIE

Ces habitudes pouvaient être sans conséquences, tant que nous serions enfants, parce que le caractère doux et liant de mon père en tempérait les désagréments, et nous les faisait supporter avec moins de dégoût : mais une fois arrivées à cet âge où on commence à fixer l’attention ; où le cœur qui vient, pour ainsi dire, de s’épanouir, cherche à distinguer l’objet qui peut lui convenir, dans cette foule d’adorateurs de tous genres qui fréquentent les maisons où il y a de riches héritières à marier, nous osâmes faire des représentations à ma mère, pour l’engager à ne pas nous exposer aux railleries du public, par les ridicules qu’elle nous donnait sans s’en douter.

Ces observations, quoique faites avec ménagement, lui déplurent. Au lieu de nous regarder comme ses enfants, elle nous traita en esclaves ; son caractère, qui n’avait pas eu de prétextes pour se montrer dans tout son jour, tant que nous avions été entièrement soumises à ses volontés, se développa tout entier, dès qu’il éprouva de la résistance. Comme je montrai le plus d’opiniâtreté, ce fut sur moi que tomba tout le poids de sa haine. Je devins dès lors insupportable : on me mit au couvent, pour se débarrasser de moi, et on colora cette résolution d’un mensonge plausible, en assurant à ceux qui en paraissaient étonnés, qu’on n’avait fait que me complaire et céder aux instances que