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AMÉLIE

douleur le temps de se calmer, il me parla avec franchise de sa tendresse pour moi ; je l’avais deviné ; et, prévenue comme je l’étais en sa faveur, je ne pus lui cacher plus longtemps un penchant que j’aurais en vain voulu déguiser : il reçut enfin le prix d’un amour à l’épreuve, qui ne devait pas rester sans récompense.

Bientôt après, il se mit en tête de voyager : je ne fis aucunes difficultés pour le suivre ; nous passâmes en France. Ses parents furent instruits de son départ avec moi, et pour prévenir les suites d’une liaison qui leur parut dangereuse, ils nous poursuivirent. Mon ami fut arrêté dans la diligence de Calais, que nous avions prise pour nous rendre ici. On me laissa quelques guinées que la nécessité me força de prendre, et je continuai ma route, bien inquiète sur le sort qui m’attendait dans le monde nouveau où j’allais entrer.

Heureusement que la voiture n’était pas complète : ma confusion fut moins grande, en raison du peu de témoins qu’eut cette aventure ; car nous n’avions qu’une seule compagne de voyage. C’était cette même Julie que vous avez vue quelquefois chez la bonne Dupré, où elle demeurait alors. Elle revenait de faire la conduite à un Anglais qui retournait dans son pays, après avoir vécu quelque temps avec elle. Cette fille, qui est naturellement gaie, me fit supporter ce dernier malheur avec une résignation dont je ne