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AMÉLIE

Lors de l’accident qui avait causé mes malheurs, chacun s’empressa de m’offrir tous les moyens de consolation qui pouvaient être en son pouvoir ; si j’en trouvai de réels, ce ne fut que dans l’estime publique, qu’une conduite, jusqu’alors irréprochable, à quelques formalités près, m’avait méritée des honnêtes gens ; je ne me doutais pas que ce qui excitait si fort mon orgueil, pourrait, un jour, me devenir aussi indifférent que je l’ai prouvé depuis.

Parmi les amis de la maison, un jeune peintre, qui, indépendamment d’un talent rare et cher à Johnson, s’était donné la peine de nous enseigner la langue française, qu’il avait étudiée par principes, n’avait pas été le dernier à répandre, sur ma plaie, le baume souverain qui devait la cicatriser. Tant que son ami avait vécu, il avait su respecter celle qui lui était si tendrement unie. Quoiqu’il m’aimât sincèrement ; que ses yeux eussent quelquefois, malgré lui, décelé son affection, notre intimité ne l’avait pas autorisé à m’en faire l’aveu ; jamais un mot indiscret ne lui était échappé : réservé près de moi, sa délicatesse scrupuleuse, qui ferait l’éloge de son sexe, s’il avait beaucoup d’imitateurs, en lui faisant trouver dans un amour désintéressé, des jouissances inconnues à beaucoup d’autres, lui avait assuré la seconde place dans un cœur qui ne devait pas lui faire partager la première.

Quand il me vit libre, et qu’il eut laissé à ma