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AMÉLIE

La matinée du lendemain se passa, sans recevoir de nouvelles positives ; enfin, j’appris le funeste événement qui m’avait séparée de lui pour toujours, et malgré les ménagements qu’on prit pour m’en instruire, peu s’en fallut que je ne succombasse à ma douleur.

Privée du seul appui que j’eusse dans le monde, que pouvais-je devenir ? À quelle âme sensible avoir recours ? Je ne connaissais personne à Londres. Devais-je retourner au sein de ma famille, dont j’avais, par ma conduite, encouru l’indignation ? Pouvais-je espérer de fléchir une mère irritée, qui ne me pardonnerait jamais ? de rendre compatissantes des sœurs dont la fierté ne voudrait pas s’abaisser jusqu’à me tendre une main secourable ? Que faire ? Comment exister ? Ah ! si l’amour donne quelquefois des jouissances, il fait souvent payer bien cher ses faveurs.

Tant que j’eus des bijoux et des hardes, je les sacrifiai pour ma subsistance ; mais enfin, réduite aux seuls vêtements que je portais habituellement, sans argent, sans ressource, le désespoir dans le cœur, il ne me restait qu’à me précipiter dans la Tamise. Mon parti était pris, et je n’aurais pas tardé à mettre, par ce moyen violent, un terme aux maux affreux qui m’accablaient ; mais l’Amour, qui eut peut-être regret de m’avoir porté de si rudes coups, voulut m’éviter encore le plus funeste ; il me conserva la vie.