Page:Amélie, ou Les Écarts de ma jeunesse, 1882.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
111
AMÉLIE

fermiers ; je descendis au jardin, et je gagnai insensiblement une avenue du parc, d’où je me rendis au pavillon ; mais avec tant de précipitation, qu’à peine la porte fut ouverte que mes jambes fléchirent sous moi, et je tombai plus morte que vive aux pieds de mon amant. Celui-ci mit tout en usage pour me rassurer, et me pressa de partir. J’hésitais à le suivre : dès qu’il s’en aperçut, il me prit dans ses bras et me sortit du pavillon, en tirant à lui la porte dont la clef était restée en dedans.

Quand je me vis dehors, je fus saisie d’un repentir, un peu tardif à la vérité, mais bien sincère : je retournai vers la porte que je trouvai fermée. Sentant bien alors qu’il m’était impossible de réparer ma faute, je me mis à pleurer. L’amour qui avait à cœur d’achever son ouvrage, me rappela la cruauté de ma mère ; il n’en fallut pas davantage pour me rendre toute mon intrépidité. J’oubliai tout, pour ne m’occuper que de celui qui allait faire le charme de ma vie.

Forcés, pour de bonnes raisons, de hâter notre marche, nous fîmes à pied, par la chaleur du jour, plus de trois lieues, pour arriver à la ville, sans trouver en chemin un seul endroit où il nous fût possible de nous procurer les rafraîchissements dont nous avions besoin.

Pour éviter l’ardeur du soleil, nous n’avions pas suivi la grande route ; nous nous en étions même beaucoup écartés : allant bon pas, nous