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AMÉLIE

dez-vous pour faire un pas qui pût m’en éloigner, j’avais insensiblement dirigé la marche du côté du pavillon. Quand je fus à environ une portée de fusil du lieu où devait bientôt se rendre celui que je chérissais plus que la vie, j’invitai mes compagnes à se reposer. Un bois touffu qui couvrait de son ombre un ruisseau dont l’onde argentée serpentait entre deux tapis de verdure, des points de vue ménagés dans l’épaisseur, le chant des oiseaux, tout enfin rendait ce séjour délicieux ; aussi je les déterminai sans peine à en goûter les douceurs.

Aussitôt que nous fûmes assises, on se mit à jouer à de petits jeux enfantins ; mais bientôt je m’aperçois, au déclin du soleil, ou plutôt aux battements de mon cœur, que l’heure du rendez-vous est arrivée : je me lève, et sous un prétexte très naturel, je quitte la petite société qui ne se doute de rien, en la priant de continuer un moment sans moi, et je m’échappe.

Amour ! tu conduisais mes pas ; tu me fais voler au pavillon : j’y entre, et d’une main tremblante, j’ouvre la porte à mon amant, qui se précipite à mes genoux.

Le temps presse : un mot va décider de notre sort. Il me conjure, par ce que j’ai de plus sacré, de terminer les maux qui l’accablent ; il ne peut plus désormais vivre sans me voir ; son bonheur dépend de moi ; sa mort est assurée, s’il n’obtient ma main ; il a cent moyens prêts pour se la pro-