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AMÉLIE

dîner ; et ce qui paraîtrait d’abord devoir contrarier mon projet, servit à l’exécuter ; car, du nombre des personnes invitées, il y avait deux demoiselles de mon âge, avec lesquelles j’étais étroitement liée, et que ma mère aimait beaucoup. Cette intimité reconnue, autorisait une sorte de liberté que je n’aurais pu me procurer aussi facilement. On pouvait donc m’en laisser jouir sans conséquence ; et il eût été par trop ridicule de soupçonner même que j’en abuserais en si aimable compagnie.

J’avais un peu compté sur cette liberté, en indiquant à Johnson le rendez-vous dont mon amour m’avait empêché de prévoir les suites ; mais, de bonne foi, je n’avais eu d’autre dessein, en commettant cette imprudence, que de revoir un instant l’amant qui régnait en souverain dans mon cœur.

Attentive à profiter de l’occasion qui m’était offerte, je laissai les parties de jeu s’engager après le dîner ; je refusai, sous différents prétextes, les places qu’on voulut m’y donner, et je proposai à mes bonnes amies un tour de promenade à l’entrée du parc. Ma mère, qui n’avait vu dans cette proposition qu’un moyen de me donner un moment d’agrément, y consentit volontiers ; une seule femme de chambre fut chargée d’escorter la petite bande joyeuse.

Il y avait près d’une heure que nous avions quitté la compagnie : trop occupée de mon ren-