Page:Amélie, ou Les Écarts de ma jeunesse, 1882.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
99
AMÉLIE

— Allons donc, me dit-elle, la belle éplorée, voulez-vous passer la nuit dans cette posture ? n’est-il donc pas temps que vous preniez congé de nous ?

Ce mot soulagea l’oppression dans laquelle mes craintes me retenaient, et je ne me le fis pas redire. Je me levai brusquement pour gagner la porte, sans ouvrir la bouche et sans regarder personne, n’espérant trouver que dans ma fuite la possibilité d’éteindre ma confusion. L’infâme laquais dont, pour tant de raisons, j’avais à me plaindre, me fit descendre par le grand escalier, et lorsque je fus dans la rue, il me dit adieu, en m’engageant à me souvenir de lui.

Je n’avais pas besoin de cette recommandation ; la bassesse de sa conduite était suffisamment gravée dans ma mémoire. Mais il ne s’agissait pas de songer à ce qui venait de m’arriver, il fallait m’occuper des moyens d’empêcher la Dupré de s’en apercevoir : mon amour-propre aurait trop souffert si elle ou mes compagnes en eussent été instruites. Je me rajustai donc du mieux que je pus, tout en marchant avec peine, car mes douleurs n’étaient point encore apaisées, et je composai assez bien ma figure pour qu’en entrant mon air de gaieté naturelle ne parut point altéré. Néanmoins, comme il aurait été possible à la longue qu’on fît quelques remarques défavorables, je montai à ma chambre, où je restai jusqu’au souper à