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faut pour cela nous placer au point de vue des contemporains et juger les chrétiens en les comparant aux païens : et sous ce rapport nous dirons avec le martyr saint Justin[1] : « Ceux qui, naguère (comme moi), étaient esclaves de la sensualité, n’ont plus aujourd’hui de joie que dans une vie pure et sans tache ; ceux qui jadis pratiquaient les sortilèges et la magie, sont désormais consacrés au service d’un Dieu éternel et invisible ; ceux qui autrefois préféraient l’argent à tout donnent maintenant tout ce qu’ils possèdent au pauvres ; ceux qui par le passé, se haissaient, et ne voulaient avoir aucun commerce avec des hommes de nation ou de mœurs étrangères, depuis la venue du Christ, vivent en paix avec leurs ennemis, prient pour eux et cherchent à adoucir ceux qui les persécutaient de leur injuste haine. »

« Les chrétiens, dit l’auteur de la lettre à Diognet[2], vivent dans leur patrie, mais comme des pèlerins sur une terre étrangère : citoyens, ils partagent tout avec leurs frères ; étrangers, ils supportent avec calme toutes les adversités ; partout ils trouvent une patrie ; mais toute patrie terrestre leur est un exil. Ils se marient comme tous les autres, mais ils n’exposent pas leurs enfants comme le reste des hommes. Ils vivent dans la chair, mais non suivant les désirs de la chair. Ils habitent la terre, et leur vraie demeure est dans le ciel. Ils obéissent aux lois et se mettent, par leur manière de vivre, au-dessus de toute loi. Ils aiment tous les hommes et tous les hommes les persécutent. On les livre à la mort et la mort leur est une délivrance. »

« Vous nous blâmez, dit Tertullien aux païens[3], parce que nous nous aimons, tandis que vous vous haïssez ! parce que nous sommes tous prêts à mourir les uns pour les autres, tandis que vous êtes toujours prêts à vous entr’égorger ! parce que notre fraternité s’étend à la communauté des biens, tandis que ces biens sont précisément ce qui rompt tout lien de fraternité entre vous !

  1. Justin. Apolog. I, c. 14. Cf. c. 15-17.
  2. Epist. ad Diognet. c. 5 (Hefele, Patrol. apostol., p. 128 sq.).
  3. Tertull. Apolog. c. 39.