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qu’il fallait observer la Pâque juive : c’était non pour une fête purement et vraiment chrétienne qu’ils disputaient avec ardeur, mais bien pour la vraie Pâque judaïque, et par là même ils se séparaient de l’Église. Par contre les deux autres partis, les Orientaux et les Occidentaux, qui s’étaient prononcés, étaient demeurés sur le terrain de l’Église, tout en étant divisés d’opinion quant au temps de la Pâque, et par rapport au jeûne qui la précède, ainsi que pour la manière de comprendre la mort du Christ et d’y voir un jour de joie ou un jour de deuil, Les Églises d’Orient, probablement sous l’influence des judéo-chrétiens, célébraient, en même temps que les Juifs, un repas pascal le 14 du mois de nisan. C’était le vendredi après ce 14 que les chrétiens d’Occident considéraient comme le jour de mort de Jésus (dies Paschœ). Ils trouvaient inconvenant de rompre, comme les Orientaux, le jeûne de ce jour, si rigoureusement observé, surtout durant la grande semaine (ἑβδομὰς μεγάλη). Ils ne mangeaient donc pas l’agneau pascal, ou bien ils ne le mangeaient que le soir, la veille du jour de la résurrection, toujours célébrée un dimanche, tandis que d’après les vicissitudes du calendrier, le jour de la résurrection pouvait tomber aussi, pour les Orientaux, un jour de la semaine (trois jours après le 14 nisan).

Déjà, pour obvier à cette divergence grave, et qui répugnait au sentiment universel, Polycarpe, évêque de Smyrne [162], s’était rendu à Rome pour en traiter avec le pape Anicet, qu’il quitta bientôt en paix, mais sans s’être entendu avec lui. Vers 170, de nombreuses opinions s’élevèrent à ce sujet en Asie Mineure et la polémique y devint chaude et active[1].

Les conciles tenus à cette occasion à la fin du IIe siècle[2], en Orient et en Occident, se déclarèrent de plus en plus contre l’usage oriental. Pour gagner au rit occidental les Grecs de l’Asie Mineure, l’évêque de Rome, Victor, crut

  1. Claudius Apollinaris, Contre la fête célébrée en Asie Min. (Fragm. in chronico Paschali, præf. p. VI et VII.) Méliton la défend (Euseb. Hist. eccles. VI, 26. Cf. ep. I. ibid. V, 24.)
  2. D’après Eusèbe, Hist. ecclesiast. V, 23. D’abord à Rome, puis dans le Pont, en Gaule, dans l’Osroène, à Corinthe, etc.