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mer orageuse du monde, il croyait difficile ou impossible, à savoir qu’on peut renaître une vie nouvelle dans les eaux sacrées du baptême, se dépouiller du vieil homme et être régénéré dans son esprit et son cœur, tout en conservant la même enveloppe terrestre. » Cyprien se forma par l’étude des ouvrages de Tertullien, dont la profondeur et le sérieux moral répondaient à son génie. Élu évêque de Carthage [248], il voulut, dans son humilité, fuir cet honneur, mais les instances du peuple le forcèrent de l’accepter. Pénétré de sentiments véritablement éclairés et chrétiens[1], il crut devoir fuir devant la persécution de Dèce ; mais le pasteur n’oublia point, dans sa solitude, le troupeau qui lui était confié et sur lequel il ne cessait de veiller. Idéal d’un véritable évêque, il sut, dans sa sagesse et suivant les circonstances, unir la douceur à la sévérité. Ce ne fut que pour le bien de l’Église et pour ses principes qu’il combattit, avec une persévérance toute chrétienne, le diacre Félicissimus et l’évêque intrus Fortunatus, surtout depuis son retour à Carthage [251]. Il n’en fut pas de même de sa discussion avec Étienne, évêque de Rome, dans laquelle il opposa passion à passion. Un édit de Valérien contre les chrétiens le surprit durant cette controverse [257]. Cette fois Cyprien, désireux d’obtenir la couronne du martyre, ne s’enfuit point il confessa avec une sainte et joyeuse hardiesse, devant le proconsul, qu’il était chrétien et évêque. On l’exila à Curbi. L’Église de Rome voulut s’adresser en sa faveur aux fonctionnaires supérieurs de l’État, mais il l’en détourna en lui écrivant, comme jadis saint Ignace « Je vous écris plein de vie, mais plus encore du désir de mourir : mon amour a été crucifié ; le feu qui me consume ne doit pas s’éteindre ; la voix que j’entends et qui me dit Viens au Père ! doit être exaucée. » Un an après son exil, son arrêt fut prononcé : « L’évêque de Carthage, ennemi des dieux de Rome, sera décapité. — Dieu soit loué ! » répondit-il. Il mourut le 14 septembre 258. Lorsque la nouvelle en parvint aux fidèles de Carthage, ils s’écrièrent, dans leur chrétienne douleur « Oh ! venez, mourons avec lui ! » C’est dans ces

  1. Matth. X, 23.