Page:Alzog - Histoire universelle de l’Église, tome 1.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une œuvre vaine et contraire au Christianisme[1]. À la tête de cette école théologique se trouva Irénée, évêque de Lyon [177-202], esprit philosophique, clair et mesuré, qui combattit avec force, souvent avec une mordante ironie, les imaginations fantastiques du gnosticisme[2]. Un homme qui se prononça d’une manière plus résolue encore contre l’union du Christianisme et de la philosophie, ce fut ce prêtre de Carthage, si original et si pieux, d’un esprit si vif et d’une imagination si ardente, dans la bouche duquel l’Église latine d’Occident prit, dès l’abord, la parole avec tant de force et de dignité, et qui prononça le divorce de la philosophie et du Christianisme par ce mot vigoureux et hardi : Qu’y a-t-il de commun entre Athènes et Jérusalem, l’Académie et l’Église ? Quintus Septime Tertullien[3], rhéteur et avocat célèbre parmi les païens, après avoir embrassé le Christianisme, en devint l’apologiste le plus éloquent dans l’Église d’Occident. Malgré la structure souvent étrange, mais presque toujours vigoureuse, de ses mots, image parfaite de la vigueur et de l’originalité de son caractère, il posa, en quelque sorte, les bases de la langue sévère et ferme des dogmes chrétiens[4]. Quoique tombé plus tard dans l’hérésie des Montanistes [vers 205], Tertullien, dont, suivant les paroles de saint Jérôme, « nous admirons le génie tout en condamnant les erreurs, »

  1. Iren. Contra hœres. II, 28, n. 1-2, n. 6 ; Tertull. de Præscr., c. 14. « Fides, inquit, tua te salvum fecit : non exercitatio scripturarum. Fides in regula posita est : habens legem et salutem de observatione legis ; exercitatio autem in curositate consistit, habens gloriam solam de scientiæ studio. Cedat curiositas fidei. » C. 8 : « Nobis curiositate opus non est post Christum Jesum, nec inquisitione post Evangelium. Quunm credimus, nihil desideramus ultra credere. C. 7 : « Ipsæ denique hæreses a philosophia subornantur. »
  2. Cf. les Citat. en tête du § 71, et Tillemont, t. III, p. 77-99 ; Prat. Hist. de saint Irénée.
  3. Opp. omn., ed. Rigaltius. Paris., 1635, in-fol. ; ed. II, 1641 ; ed. Semler et Schütz. Halæ, 1770 sq. VI tom. ; Neander, Antignosticus, Esprit. de Tertullien et introduct. à ses écrits. Berlin, 1849. Cf. Tillemont, t. III, p. 196-236.
  4. Il se servit le premier des mots : substantia, trinitas, satisfactio. Voyez sur son génie créateur de la langue théolog., Ritter, Tableau des premiers écriv. chrét. de l’Afrique ; Revue de philos. et de théolog. cath. de Bonn, 8e livr., p. 32.