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LA VEUVE


Dans la chambre il y a un degré au-dessus de zéro.

La jeune dame est assise au milieu de la chambre, sur une chaise de bois. Elle a un châle brun sur les épaules, et sur la tête une petite toque de fourrure. Ses cheveux sont tendres, ondulés, blonds.

Un vieil homme marche de long en large et dit : « Nous allons faire un peu de feu, Marie… »

— « Non, » dit-elle.

— « Un peu de feu… » dit le vieil homme.

— « Non. »

Le vieil homme pense : « On pourrait bien faire un peu de feu. »

Elle sent : « Je crois que j’ai perdu mon corps. Il n’y a plus que cette mèche de ses cheveux blancs, là. À quoi peuvent-ils bien être attachés ? »

« Une mèche de cheveux blancs… » dit-elle, « Père… »

Le vieil homme pense : « C’est bon, mon enfant. On pourrait par exemple prendre de petits copeaux et froisser quelques journaux. On peut toujours préparer le feu, pour tous les cas. »

La jeune femme reste assise immobile. La petite toque de fourrure est un peu de travers sur les tendres cheveux ondulés, aussi coquette qu’au Palais de Glace.

Le vieil homme pense : « Il y a de la poussière sur le bord des fenêtres. On pourrait y écrire avec le doigt : « Fin de l’hiver ! » Les appartements sont comme les petits enfants, ils se salissent tout de suite. »

La jeune femme dit : « Mon Dieu… »

Le vieil homme : « Eh bien, on pourrait peut-être… »

Profond silence.

Les fenêtres tremblent au fracas des voitures qui passent, elles frémissent, bondissent, font comme le bruit d’un coup de canon lointain, se tranquillisent de nouveau. Puis elles s’émeuvent, bourdonnent comme des mouches d’été.

La dame dit tout bas : « Mon Dieu… »