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ANTHOLOGIE FÉMININE

frir ; je serai encore plus à plaindre, parce que je me suis fait imprudemment une habitude de vous voir. Il me semble que je ne vous ai point assez embrassée en partant ; qu’avais-je à ménager ? Je ne vous ai point assez dit combien je suis contente de votre tendresse ; je ne vous ai point assez recommandée à M. de Grignan ; je ne l’ai point assez remercié de toutes ses politesses et de toute l’amitié qu’il a pour moi ; j’en attendrai les effets sur tous les chapitres : il y en a où il a plus d’intérêt que moi, quoique j’en sois plus touchée que lui. Je suis déjà dévorée de curiosité ; je n’espère de consolation que de vos lettres, qui me feront encore bien soupirer. En un mot, ma fille, je ne vis que pour vous : Dieu me fasse la grâce de l’aimer quelque jour comme je vous aime ! Je songe aux Pichons ; je suis toute pétrie des Grignan ; je tiens partout. Jamais un voyage n’a été si triste que le notre ; nous ne disons pas un mot. Adieu, ma chère enfant, aimez-moi toujours ; nous revoilà dans les lettres.


Je viens de recevoir le livre de l’abbé Nicole ; je voudrais en faire un bouillon et l’avaler. Il est écrit pour bien du monde ; mais je crois qu’il n’a eu véritablement que moi en vue. Ce qu’il dit de l’orgueil et de l’amour-propre qui se trouve dans toutes les disputes et que l’on recouvre du beau nom de vérité, c’est une chose qui me ravit. Vous savez que je ne puis souffrir que les vieilles gens disent : « a Je suis trop vieux pour me corriger. » Je pardonnerais plutôt aux jeunes gens de dire : « Je suis trop jeune. » La jeunesse est si aimable qu’il faudrait