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ANTHOLOGIE FÉMININE

pu faire honte aux plus vaillants, et que d’ailleurs le cardinal ne trouvait pas son avantage à être toujours battu, elle se moqua de cette harangue, et le coadjuteur s’en retourna sans réponse. Un de ses amis et un peu des miens qui, peut-être, aussi bien que lui, n’était pas dans son âme au désespoir des mauvaises aventures de la cour, et qui ne l’avait pas quitté de toute la journée, me dit à l’oreille que tout était perdu ; qu’on ne s’amusât point à croire que ce n’était rien ; que tout était à craindre de l’insolence du peuple ; que déjà les rues étaient pleines de voix qui criaient contre la reine, et qu’il ne croyait pas que cela se pût apaiser aisément.

La nuit qui survint là-dessus les sépara tous, et confirma la reine dans sa créance que l’aventure du jour n’était nullement à craindre. Elle tourna la chose en raillerie, et me demanda au sortir du conseil, comme elle vint se déshabiller, si je n’avais pas eu grand’peur. Cette princesse me faisait une continuelle guerre de ma poltronnerie, si bien qu’elle me fit l’honneur de me dire gaiement qu’à midi, quand on était venu lui dire le bruit que le peuple commençait à faire, elle avait aussitôt pensé à moi et à la frayeur que j’aurais au moment que j’entendrais cette nouvelle si terrible, et ces grands mots de chaînes tendues et de barricades.

Elle avait bien deviné, car j’avais pensé mourir d’étonnement quand on me vint dire que Paris était en armes, ne croyant pas que jamais dans ce Paris, le séjour des délices et des douceurs, on pût voir la guerre ni des barricades que dans l’histoire et la vie d’Henri III. Enfin