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DEUXIÈME PÉRIODE

aucun défaut… Elle est pourtant capable d’inspirer de plus grandes passions que les plus grandes beautés de la terre… Pour le teint, elle ne l’a pas de la dernière blancheur, il a toutefois un si bel éclat qu’on peut dire qu’elle l’a beau ; mais ce que Sapho a de souverainement agréable, c’est qu’elle a les yeux si beaux, si vifs, si amoureux et si pleins d’esprit, qu’on ne peut ni en soutenir l’éclat, ni en détacher ses regards… Les charmes de son esprit surpassent de beaucoup ceux de sa beauté. Elle a une telle disposition à apprendre que, sans que l’on ait presque jamais ouï dire que Sapho ait rien appris, elle sçait pourtant toutes choses… mais elle songe tellement à demeurer dans la bienséance de son sexe qu’elle ne parle que des choses que les femmes doivent parler.


À PROPOS DE L’INSTRUCTION DES FEMMES

Encore que je sois ennemie déclarée de toutes les femmes qui font les savans, je ne laisse pas de trouver l’autre extrémité fort condamnable, et d’estre souvent épouvantée de voir tant de femmes de qualité avec une ignorance si grossière que, selon moi, elles déshonorent notre sexe. En effet, la difficulté de sçavoir quelque chose avec bienséance ne vient pas tant à une femme de ce qu’elle sçait que de ce que les autres ne sçavent pas, et c’est sans doute la singularité qui fait qu’il est très difficile d’être comme les autres ne sont point, sans s’exposer à estre blasmée… Je ne sçache rien de plus injurieux à notre sexe que de dire qu’une femme n’est point obligée de rien apprendre…