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DEUXIÈME PÉRIODE

De plus, il avoit naturellement l’esprit fort éclairé ; et il faisoit des vers si beaux, si touchans et si passionnez, qu’il estoit aisé de voir qu’il n’avoit pas l’âme différente ; et ceux du grand Therpandre, son oncle[1], qui a tant eu de réputation, n’estoient pas plus beaux que les siens. Aussi suis-je persuadé que jamais personne n’a eu le cœur si tendre à l’amitié, ny si ardent à l’amour que Phérécyde : car, pour l’ordinaire, ceux qui ont cette passion fort vive ont une amitié plus modérée ; et, au contraire, ceux qui sont capables d’une amitié fort ardente ne le sont pas si souvent d’un fort violent amour. Mais, pour Phérécyde, il aimoit ses amies et ses amis avec des ardeurs démesurées, qui ne se destruisoient point les unes et les autres dans son cœur. Au reste, il avoit un talent particulier, dans les heures de son enjouement, qui estoit de contrefaire si admirablement et si plaisamment tout ensemble tous ceux qu’il vouloit représenter, qu’il devenoit presque ce qu’estoient ceux qu’il imitoit. Mais pour avoir ce plaisir-là, il faloit estre au palais de Cléomire ou chez Élise, et y estre mesme en petite compagnie. De plus, jamais homme n’a esté si propre que Phérécyde à une véritable galanterie, et mesme à une feinte passion, ny n’a sçeu soupirer plus à propos ny d’une manière plus propre à faire écouler ses soupirs sans colère : car il avoit si bien sçeu trouver l’art de faire un mélange de respect et de hardiesse, en sa façon d’agir avec celles qu’il aimoit effectivement ou qu’il feignoit d’aimer, qu’il

  1. Malherbe.