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ANTHOLOGIE FÉMININE

PORTRAIT DE PHÉRÉCYDE[1]

… Il faut que vous sachiez qu’il étoit non seulement d’une taille avantageuse, mais encore extrêmement beau ; mais d’une beauté de son sexe, qui n’avoit rien que de grand et de noble. Il avoit pourtant le teint délicat, les yeux bleus et fins, le tour du visage agréable ; mais avec tout cela il n’avoit rien qui ressemblast à la beauté des femmes. Au contraire, sa mine étoit haute ; et quoy qu’il eust une douceur inconcevable dans l’air du visage, il y avoit pourtant je ne sçay quelle fierté douce qui lui donnoit une espèce d’audace respectueuse qui le rendoit plus aimable. Au reste, il avoit la plus belle teste du monde : car ses cheveux faisoient mille anneaux sans artifice, et estoient du plus beau brun possible qu’il estoit possible de voir. Phérécyde estant donc tel que je viens de vous le représenter, c’est-à-dire ayant tout l’agrément de la beauté et tout l’enjouement de la jeunesse, n’en avoit pourtant ny le décontenancement, ny l’inconsidération : et l’on eust dit qu’il estoit venu au monde en sçachant le monde, tant il agissoit sagement et galamment tout ensemble. Le son de sa voix estoit infiniment aimable ; et il avoit cet avantage d’avoir en toutes ses actions un agrément inexpliquable, que la seule nature peut donner. Au reste, il avoit l’âme si noble, les inclinations si belles, le cœur si tendre pour ses amis, et si remply de zèle et de chaleur pour eux, qu’il en méritoit beaucoup de louange.

  1. L’original du portrait de Phérécyde est Eléazar de Chandeville, neveu de Malherbe.