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ANTHOLOGIE FÉMININE

vay à la cour la comtesse de Lalain, sa femme (Marguerite de Ligne), avec bien quatre-vingts ou cent dames du païs ou de la ville, de qui je fus reçeue non comme princesse estrangere, mais comme si j’eusse esté leur naturelle dame, le naturel des Flamandes estant d’estre privées, familières et joyeuses.

La comtesse de Lalain tenant de ce naturel, mais ayant davantage un esprit grand et eslevé, de quoy elle ne ressembloit moins à vostre cousine que du visage et de la façon, cela me donna soudain asseurance qu’il me seroit aisé de faire amitié estroite avec elle, ce qui pourroit apporter de l’utilité à l’avancement du dessein de mon frère......

L’heure du soupper venue, nous allons au festin et au bal, que le comte de Lalain continua tant que je fus à Mons, qui fut plus que je ne pensois estimant debvoir partir dés le lendemain. Mais cette honneste femme me contraingnist de passer une sepmaine avec eux, ce que je ne voulois faire, craingnant de les incommoder. Mais il ne me feust jamais possible de le persuader à son mary ni à elle, qu’encore à toute force me laissèrent partir au bout de huict jours. Vivant avec une telle privauté avec elle, elle demeura à mon coucher fort tard, et y eust demeuré davantage ; mais elle faisoic chose peu commune à personne de telle qualité, qui toutes fois tesmoingne une nature accompagnée d’une grande bonté. Elle nourrissoit son petit fils de son lait, de sorte qu’estant le lendemain au festin, assise tout auprès de moy à la table qui est le lieu où ceux de ce païs-là se communiquent avec