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ANTHOLOGIE FÉMININE


« Réponds-moi, je pourrais te consoler sur l’heure.
Veux-tu qu’au prochain bourg nous achetions du pain ?
Aimes-tu les gâteaux ? j’en ai dans ma demeure. »
Mais lui, pleurant plus fort : « Non, non, je n’ai pas faim ! »

Son chagrin persistant, je pressentais un drame.
Cet enfant éploré, pensais-je, doit courir
Demander du secours ; peut-être qu’une femme.
Sa mère, en ce moment est proche de mourir !

Aux maux des tout petits mon âme s’intéresse.
J’accompagnai l’enfant et, pour calmer ses cris,
Je le pris dans mes bras. Hélas ! quelle détresse !
Aux cailloux du chemin ses pieds s’étaient meurtris !

Je serrai contre moi ce Bis de mendiante.
Sa douleur apaisée, il sourit, l’orphelin !
Et jugeant tout à coup ma mine confiante.
Pour conter son secret, il eut un air câlin :

« Si j’avais un bateau qui vogue sur la lame.
Je ne pleurerais plus, je serais bien heureux ;
Un bateau de bois blanc, c’est beau ! dites, Madame ?
On les paye cinq sous, et je n’en ai que deux. »

Heureux âge où le cœur facilement s’épanche.
Et désolé pour rien se console de peu !
Il rêvait d’une barque avec sa voile blanche.
Comment ne pas sourire à ce naïf aveu ?

C’était là son regret, le sujet de sa peine.
Alors, comme une fée exauçant son désir,
J’entrai chez le marchand et je lui fis choisir
Un beau bateau qui fût digne du capitaine.