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TROISIÈME PÉRIODE

de Lambel, de Plinval. En pleine jeunesse, possédant une immense fortune, mariée à un parfait gentilhomme, jeune diplomate, femme du monde accomplie, il lui semble qu’il lui manque cependant quelque chose, et elle livre un volume de Poésies à Lemerre, l’éditeur des Parnassiens, c’est-à-dire qu’elle s’expose à la critique du public indifférent et exigeant quelquefois jusqu’à la cruauté, s’écriant, avec cette verve que l’on nomme le feu sacré, le diable au corps que donne une vocation vraie :

Je veux être quelqu’un, je veux être un poète,
Et s’il faut de mon sang que je marque les pas,
Je m’ouvrirai moi-même et le cœur et la tête ;
Mourir sans laisser d’œuvre est un double trépas.

Car si le cœur pourrit, l’âme est une immortelle,
Le corps est l’instrument qu’elle jette au rebut,
Et souvent il fléchit, et sa souffrance est telle
Qu’on le voit succomber en arrivant au but.

Qu’importe ! si la voix a pu se faire entendre ;
Qu’importe ! si le pied a gravi le sommet !
Mourir n’est pas mourir, car vivre c’est attendre
Le lever du soleil qui ne s’éteint jamais.


Elle avait désormais cette auréole de gloire qui lui manquait, car les vers sont sonores, bien frappés. Ils riment le plus souvent avec des substantifs. On y remarque la délicatesse, la richesse d’imagination, la suavité et la recherche d’expres-