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ANTHOLOGIE FÉMININE

Ils ne sont pas mordus par des chiens enragés,
  Mais ils sont mordus par le diable.

Muselez cet ivrogne aussitôt qu’il voudrait
Franchir, pour s’enivrer, le seuil du cabaret,
Car il jette au comptoir son argent et son âme ;
Il s’abrutit avec l’eau-de-vie… ou de mort.
Il devient animal, sans raison ni remord,
Et, dans son verre, il boit les larmes de sa femme !

Mais ne muselez pas le chien, ce compagnon,
Ce gardien, pour qu’il puisse aboyer au larron.
Cet arsenal de dents, qu’il lui montre en furie,
Pour garder la maison lui sert d’arme et d’outil ;
Il ressemble au soldat quand il met son fusil
  Au service de la patrie.

Laissez-le nous parler… sans savoir conjuguer
Nos verbes si connus : calomnier, narguer,
Médire. Sa parole est pourtant nette et claire :
Avec ses aboîments joyeux, ses cris jaloux,
Il dit très bien « je t’aime ». Il est plus fort que nous
Sur la langue du cœur, qu’il parle sans grammaire.

Oh ! qu’il soit libre, heureux, cet ami sans rival.
Ce Pylade ! Le chien, c’est plus qu’un animal,
C’est un mystère… Il a des yeux tout pleins de flamme.
S’il ne sent pas en lui cette âme, ce soleil
Qui luit et brûle en nous, son instinct sans pareil
  Doit être une étincelle d’âme.