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TROISIÈME PÉRIODE

ment trop tard la souveraine bonté en plus de la souveraine sagesse des commandements de Dieu.

En nous défendant le mal, il nous défend la cause première de toute souffrance, — la faute engendrant le châtiment. Mais comment croire, alors que le sang bouillonne dans nos veines, que résister à ses passions est moins terrible que de s’y abandonner ? Une ardeur impatiente est la fatalité de notre race ; le plus grand tort des Français, et par suite de la France, est de ne savoir pas attendre et de tout gâter par une hâte aveugle. Le châtiment d’un enthousiasme autant que d’un acte irréfléchi est de devoir en venir à le juger. Il est cruel d’avoir à subir les longs désenchantements d’un engagement trop prompt.

Si on le pouvait, il conviendrait surtout de voyager dans les heures ardentes de l’existence. La fatigue de corps que la vie de voyage entraîne donne du repos à l’âme. Il y a d’ailleurs dans la nature une si magnifique, une si bizarre variété, que l’existence, rien que pour voir, semble parfois bonne.

Je conseillerais encore aux violents, aux tourmentés, aux affligés, de se souvenir que les occupations mécaniques et régulières apaisent la pensée. Forcer sa main et ses yeux à s’appliquer à une broderie, à une copie de vers ou de musique, est contraindre sa douleur à prendre peu à peu, comme le sang, un cours résigné et paisible.

Apprendre à souffrir est réellement apprendre à vivre. Faute de grands bonheurs, il est nécessaire de s’en préparer de petits.