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TROISIÈME PÉRIODE

à la comparer à une personnalité de l’autre siècle, c’est avec la marquise de Lambert que je lui trouve plus d’un point de ressemblance.

Elle était trop finement femme pour laisser faire son portrait moins belle qu’autrefois ; mais elle m’a donné une épreuve sur chine d’une fine gravure faite d’après un dessin qui représente plutôt sa silhouette que sa figure, mais la silhouette de sa personne entière. Elle est là, assise avec une longue robe à falbala que je lui connaissais, sa mante Louis XVI, sa fanchon, dans son jardin de Villers-sur-Mer, devant un théâtre qu’elle a fait arranger dans le feuillage, et sur lequel une de ses nièces préférées, dernière descendante de Jeanne d’Arc dont elle porte le nom, récite un monologue. Cette petite scène de sa vie intime m’est plus précieuse qu’un simple portrait.

Ne pouvant guère marcher, elle avait ce prétexte pour ne pas accompagner ses visiteurs, à ses jours de réception ; elle se soulevait simplement de son grand fauteuil, ses pieds enveloppés d’une riche peau d’ours ; les hommes lui baisaient la main, les femmes faisaient la révérence. Cette manière de faire était bien préférable à l’allée et venue continuelle des maîtresses de maison qui accompagnent à la porte de leur salon. Cette habitude devrait être supprimée les jours de réception. Mais lorsqu’on allait la voir en tête à tête, elle savait très bien vous accompagner. Elle était douée d’un tact