Page:Alquie - Anthologie feminine.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
310
ANTHOLOGIE FÉMININE

peu près en quels termes un des poètes de notre temps, lord Byron, a exprimé un sentiment analogue à celui qui nous fait accepter les plus douloureux souvenirs plutôt que l’oubli, qui anéantirait ensemble l’amertume et la douleur du passé. Cette manière de sentir est la mienne… Oh ! non, je ne désire l’oubli ni des joies, ni des peines que j’ai connues… Je bénis Dieu de la disposition qu’il m’a donnée à revenir sans cesse sur les traces qu’ont laissées après eux ceux avec lesquels il m’a été si doux de vivre. Le souvenir des jours heureux passés ensemble est devenu pour moi une joie et non une douleur, et, bien loin de désirer l’oubli, je demande au Ciel de me conserver toujours la mémoire vive et fidèle des jours évanouis et la faculté de faire comprendre quels furent ceux avec lesquels s’écoulèrent ces jours et quel fut le bonheur qu’y répandit leur présence. Penser à eux et parler d’eux m’a été doux depuis qu’ils ne sont plus, comme il m’était doux de leur parler et de vivre près d’eux quand ils étaient là. Aussi l’occupation favorite de ma vie a-t-elle été de lire et de rassembler les lettres et les papiers de tout genre dans lesquels est demeurée gravée l’empreinte fidèle de leurs âmes ; ce n’est pas sans un tendre orgueil que je les ai parfois fait connaître à d’autres, et que j’ai vu même les indifférents s’attendrir ou s’émerveiller en lisant quelques-unes des pages que j’entreprends aujourd’hui de réunir d’une façon plus complète. Je voudrais, je l’assure, que la mémoire de ceux qui les ont écrites répandît son doux parfum un peu au delà du cercle de ceux qui les ont aimés, et je voudrais