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ANTHOLOGIE FÉMININE


Dérobe à tous les yeux ce douloureux mystère ;
Que ton ombre épaissie enveloppe mon sort ;
Sous tes pâles rameaux, retombant vers la terre,
Enferme autour de moi le silence et la mort.

Dieu ! tu m’entends ; déjà, sur la tige flétrie,
La fleur perd son éclat, la feuille sa fraîcheur ;
Doux saule, tu me peins le terme de ma vie :
Hélas ! tu veux aussi mourir de ma douleur.

Ton aspect dans mon cœur vient d’arrêter mes larmes ;
Ah ! laisse-moi du moins le pouvoir de gémir.
De mes regrets plaintifs rends-moi les tristes charmes ;
Je le sens, il me faut ou pleurer ou mourir.

Lorsqu’assis à tes pieds, sous les vents en furie.
Le sage voit ton front se courber sans effort.
Il pardonne au destin, il supporte la vie :
Apprends-moi donc aussi qu’il faut céder au sort.

Ah ! rends-moi du printemps la fraîcheur renaissante,
Rends à mon cœur flétri ces sons trop tôt perdus ;
Rends-moi les arts, la paix, l’amitié plus touchante.
Mais non, ne me rends rien ; doux saule, elle n’est plus !


ANGÉLIQUE GORDON

(1791-1839)


Née à Paris, mais d’origine écossaise, elle écrivit plusieurs romans moraux, et un volume de vers