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ANTHOLOGIE FÉMININE

Mme SWETCHINE

(1782-1857)


Sophie Soymonof, née sur les bords de la Neva, avait trente-quatre ans en 1816, quand elle vint s’installer à Paris, dans la haute société de la Restauration, et ouvrir un salon qui fut le plus recherché de l’époque.

L’ensemble de son extérieur n’attirait pas le regard, mais sa physionomie, son geste, son accent, étaient doués d’un attrait sympathique indéfinissable. Mariée à dix-sept ans à M. de Swetchine, qui en avait quarante-deux, ayant pour son mari un attachement plein de respect et une incessante sollicitude, elle ne fit jamais parler d’elle.

Les femmes, ordinairement peu accessibles à l’influence des autres femmes, étaient pleines de confiance envers Mme Swetchine. Les plus jeunes n’échappaient pas davantage à son empire. Ce qui peut faire naître l’hostilité entre les femmes n’existait pas en Mme Swetchine. Elle n’éveillait jamais un sentiment de rivalité, parce qu’on ne pouvait jamais surprendre en elle la tentation de se faire valoir aux dépens d’une autre ou d’éclipser qui que ce fût ; son désintéressement obtenait grâce pour sa supériorité. Cette femme, qui, dès qu’elle pouvait jouir d’une heure de solitude, se