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ANTHOLOGIE FÉMININE

Le soir qui précéda la fête, on alluma des feux sur les montagnes ; c’est ainsi que jadis les libérateurs de la Suisse donnèrent le signal de leur sainte conspiration. Ces feux, placés sur les sommets, ressemblaient à la lune, lorsqu’elle se lève derrière les montagnes et qu’elle se montre à la fois ardente et paisible. On eût dit que des astres nouveaux venaient assister au plus touchant spectacle que notre monde puisse encore offrir. L’un de ces signaux enflammés semblait placé dans le ciel, d’où il éclairait les ruines du château d’Unspunnen, autrefois possédé par Berthold, le fondateur de Berne, en mémoire de qui se donnait la fête. Des ténèbres profondes environnaient ce point lumineux, et les montagnes, qui pendant la nuit ressemblent à de grands fantômes, apparaissaient comme l’ombre gigantesque des morts qu’on voulait célébrer.

Le jour de la fête, le temps était doux, mais nébuleux ; il fallait que la nature répondît à l’attendrissement de tous les cœurs. L’enceinte choisie pour les jeux est entourée de collines parsemées d’arbres et des montagnes à perte de vue sont derrière ces collines. Tous les spectateurs, au nombre de près de six mille, s’assirent sur les hauteurs en pente, et les couleurs variées des habillements ressemblaient dans l’éloignement à des fleurs répandues sur la prairie. Jamais un aspect plus riant ne put annoncer une fête ; mais quand les regards s’élevaient, des rochers suspendus semblaient, comme la destinée, menacer les humains au milieu de leurs plaisirs.

Lorsque la foule des spectateurs fut réunie, on enten-