Page:Alquie - Anthologie feminine.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
241
TROISIÈME PÉRIODE

et demanda à sa plume non seulement de la faire vivre, mais surtout de lui permettre ses libéralités généreuses. Sa première œuvre, Claire d’Albe, qu’elle avait écrite riche et heureuse, fut vendue par elle au profit d’un ami, proscrit et fugitif, qui avait besoin d’un millier de francs pour quitter la France et assurer son sort.

Ce roman, qui avait été écrit en quinze jours sans une seule rature, obtint un si grand succès qu’elle se décida à publier successivement : Amélie de Mansfield, Mathilde, Malvina et Élisabeth. Dans tous ses romans, ses héroïnes sont posées sur un piédestal de vertu et de résignation ; et quoique protestante, elle les a fait toutes catholiques.

Réservée, modeste dans le monde, ce n’est qu’à son corps défendant que son éditeur livra son nom à la publicité. Elle est de ces rares femmes de lettres qui n’ont jamais donné prise à aucun blâme.

De même que Mme de Sévigné, elle ne savait pas l’orthographe ; mais on n’était pas aussi difficile qu’aujourd’hui, la concurrence étant bien moins grande. Ses ouvrages ont passé de mode, et elle est bien moins connue de notre génération que Mme de La Fayette.

« Dépourvue de beauté, nous dit lady Morgan, n’ayant aucune de ces grâces qui en tiennent lieu, elle inspira néanmoins deux passions fatales : un jeune parent sa tua d’un coup de pistolet dans son jardin et son rival sexagénaire s’empoisonna. »