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TROISIÈME PÉRIODE

charmant des contrastes, elle a tout ce qui annonce la faiblesse et la dépendance, tout ce qui réclame l’appui ; son corps délicat est une fleur que le plus léger souffle fait incliner, et son âme forte et courageuse braverait la mort pour la vertu et pour l’amour. »

Je prononçai ce dernier mot en tremblant, épuisé par la chaleur avec laquelle j’avais parlé, ne sachant moi-même jusqu’où m’avait conduit mon enthousiasme. Je tremblais qu’elle ne m’eût deviné, et j’appuyais ma tête contre un des carreaux de la fenêtre, attendant avec anxiété le premier son de sa voix.

« Sait-elle que vous l’aimez ? me dit Valérie avec une ingénuité qu’elle n’aurait pu feindre.

Oh ! non, non ! m’écriai-je, j’espère bien que non ; elle ne me pardonnerait pas.

Ne le lui dites jamais, dit-elle ; il doit être affreux de faire naître une passion qui rend si malheureux. Si jamais je pouvais en inspirer une semblable, je serais inconsolable ; mais je ne le crains pas, et cela me console de ne pas être belle. »

Je m’étais remis de mon trouble.

« Croyez-vous, Madame, que ce soit la beauté seule qui soit si dangereuse ? Regardez milady Erwin, la marquise de Ponti : je ne crois pas qu’un statuaire puisse imaginer de plus beaux modèles ; cependant on vous disait encore hier que jamais elles n’avaient excité un sentiment vif ou durable. Non, poursuivis-je, la beauté n’est vraiment irrésistible qu’en nous expliquant quelque chose de moins passager qu’elle, qu’en nous faisant rêver