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TROISIÈME PÉRIODE

tous deux parlèrent avec tendresse du souvenir que cette fête leur retraçait. Le comte me dit les choses du monde les plus aimables ; sa femme, en me tendant la main, s’écria :

« Bon Gustave ! jamais je n’oublierai cette charmante soirée, ni la salle des souvenirs. »

Elle rentra ensuite avec le comte dans le bal. Je sortis pour respirer le grand air et m’abandonner pendant quelques instants à mes rêveries. En rentrant, je cherchais des yeux la comtesse au milieu de la foule, et, ne la trouvant pas, je me doutais qu’elle avait cherché la solitude dans la salle des souvenirs. Je la trouvai effectivement dans l’embrasure d’une fenêtre : je m’approchai avec timidité ; elle me dit de m’asseoir à côté d’elle. Je vis qu’elle avait pleuré ; elle avait encore les larmes aux yeux, et je crus qu’elle s’était rappelé la petite discussion du matin. Je savais combien les impressions qu’elle recevait étaient profondes, et je lui dis :

« Quoi ! Madame, vous avez de la tristesse, aujourd’hui que nous désirons surtout vous voir contente ?

Non, me dit-elle, les larmes que j’ai versées ne sont point amères : je me suis retracé cet âge que vous avez su me rappeler si délicieusement ; j’ai pensé à ma mère, à mes sœurs, à ce jour heureux qui commença l’attachement du comte pour moi ; je me suis attendrie sur cette époque si chère ; mais j’aime aussi l’Italie, je l’aime beaucoup », dit-elle.

Je tenais toujours sa main, et mes yeux étaient fixement attachés sur cette main qui, deux ans auparavant,