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TROISIÈME PÉRIODE

particulièrement pour l’italien, que j’ai appris, quelques années après, seule et sans peine.

Mon père ne me poussoit pas vivement au dessin, s’amusoit de mon aptitude plus qu’il ne s’occupoit à développer chez moi un grand talent ; je compris même, par quelques mots échappés d’une conversation avec ma mère, que cette femme prudente ne se soucioit pas que j’allasse très loin dans ce genre. « Je ne veux pas qu’elle devienne peintre, disoit-elle ; il faudroit des études communes et des liaisons dont nous n’avons que faire. » On me fit commencer à graver ; tout m’étoit bon ; j’appris à tenir le burin, et je vainquis bientôt les premières difficultés. Lors de la fête de quelqu’un de nos grands-parents, qu’on alloit religieusement souhaiter, je portois toujours pour mon tribut ou une jolie tête que je m’étois appliquée à bien dessiner dans cette intention, ou une petite plaque de cuivre bien propre, sur laquelle j’avois gravé un bouquet et un compliment soigneusement écrit, dont M. Doucet m’avoit tourné les vers. Je recevois en échange des almanachs qui m’amusoient beaucoup et quelque présent d’objets à mon usage, destinés ordinairement à la parure que j’aimois. Ma mère s’y plaisoit pour moi ; elle étoit simple dans la sienne et même souvent négligée ; mais sa fille était sa poupée, et j’avois dans mon enfance une mise élégante, même riche, qui sembloit au-dessus de mon état. Les jeunes personnes portoient alors ce que l’on appeloit des corps de robe : c’étoit un vêtement fait comme les robes de cour, très juste à la taille, qu’il dessinoit fort bien, très