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TROISIÈME PÉRIODE

portoit. Quelle expression manquoit de grâce quand ma mère l’accompagnoit de son ton affectueux ? Et, lorsque sa voix touchante venoit pénétrer mon cœur, ne m’apprenoit-elle pas à lui ressembler ?

Vive sans être bruyante, et naturellement recueillie, je ne demandois qu’à m’occuper, et je saisissois avec promptitude les idées qui m’étoient présentées. Cette disposition fut mise tellement à profit que je ne me suis jamais souvenue d’avoir appris à lire ; j’ai ouï dire que c’étoit chose faite à quatre ans, et que la peine de m’enseigner s’étoit pour ainsi dire terminée à cette époque, parce que, dès lors, il n’avoit plus été besoin que de ne pas me laisser manquer de livres. Quels que fussent ceux qu’on me donnoit ou dont je pouvois m’emparer, ils m’absorboient tout entière, et l’on ne pouvoit plus me distraire que par des bouquets. La vue d’une fleur caresse mon imagination et flatte mes sens à un point inexprimable ; elle réveille avec volupté le sentiment de l’existence. Sous le tranquille abri du toit paternel, j’étois heureuse dès l’enfance avec des fleurs et des livres : dans l’étroite enceinte d’une prison, au milieu des fers imposés par la tyrannie la plus révoltante, j’oublie l’injustice des hommes ; leurs sottises et mes maux, avec des livres et des fleurs.

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L’occasion étoit trop belle pour négliger de me faire apprendre l’Ancien, le Nouveau Testament, les catéchismes petit et grand ; j’apprenois tout ce qu’on vouloit, et j’aurois répété l’Alcoran si l’on m’eut appris à le