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TROISIÈME PÉRIODE

connu le bonheur et l’adversité, j’ai vu de près la gloire et subi l’injustice.

Née dans un état obscur, mais de parents honnêtes, j’ai passé ma jeunesse au sein des beaux-arts, nourrie des charmes de l’étude, sans connoître de supériorité que celle du mérite, ni de grandeur que celle de la vertu.

À l’âge où l’on prend un état, j’ai perdu les espérances de fortune qui pouvoient m’en procurer un conforme à l’éducation que j’avois reçue. L’alliance d’un homme respectable a paru réparer ces revers ; elle m’en préparoit de nouveaux.

Un caractère doux, une âme forte, un esprit solide, un cœur très affectueux, un extérieur qui annonçoit tout cela, m’ont rendue chère à ceux qui me connoissent. La situation dans laquelle je me suis trouvée m’a fait des ennemis ; ma personne n’en a point : ceux qui disent le plus de mal de moi ne m’ont jamais vue.

Il est si vrai que les choses sont rarement ce qu’elles paroissent être que les époques de ma vie où j’ai goûté le plus de douceurs ou le plus éprouvé de chagrins sont souvent toutes contraires à ce que d’autres pourroient en juger. C’est que le bonheur tient aux affections plus qu’aux événements.

Je me propose d’employer les loisirs de ma captivité à retracer ce qui m’est personnel depuis ma tendre enfance jusqu’à ce moment ; c’est vivre une seconde fois que de revenir ainsi sur tous les pas de sa carrière ; et qu’a-t-on de mieux à faire en prison que de transporter ailleurs son