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DEUXIÈME PÉRIODE

de ses ouvriers, avec une longue perche à la main, conduire l’ordonnance d’un bâtiment, seroit moins bizarre que celle qui se tourmenteroit à composer deux couplets de chanson. Les langues, la poésie, les lois du royaume, les matières de religion, toutes ces belles choses sont insupportables dans une femme : je les en avertis au nom de tous les hommes sensés.

Si parler bien est la marque de la belle éducation, bien écrire marque la femme d’esprit ; c’est la façon d’écrire qui distingue la femme ordinaire d’avec la femme d’esprit. Parlez bien, écrivez encore mieux ; pensez bien, et pensez haut avec vos amis, et tâchez surtout de vous exprimer avec aisance. Pour acquérir la facilité de s’énoncer, il est nécessaire de savoir bien sa langue, et de connoître toute la force des termes : faute d’en trouver qui conviennent, on reste court, dans la crainte d’en hasarder de mal placés. Mme de *** est admirable à voir ; mais il ne faut pas l’entendre : chaque mot qu’elle prononce obscurcit sa figure, de façon qu’on la quitte comme si elle étoit laide ; malgré la beauté de ses yeux et l’éclat de son teint, elle n’a jamais su conserver de conquêtes ; elle les fait en se montrant, elle les perd en parlant. Quelle fatalité !

Il faut se défaire de l’excès de timidité : une noble assurance prête beaucoup à la figure, et fait merveille dans la conversation. La timidité gêne et embarrasse ; faute d’un peu de hardiesse, on ne hasarde rien, on manque l’occasion de dire de bonnes choses, et on perd même