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DEUXIÈME PÉRIODE


ODE XL

Un jour, Cupidon n’ayant pas pris garde à une abeille qui dormait dans des roses, fut piqué à un doigt ; aussitôt il se mit à pleurer, et, courant de toute sa force à la belle Cythérie : « Je suis perdu, maman, s’écria-t-il, je suis perdu et je me meurs : un petit serpent ailé, que les laboureurs nomment abeille, vient de me piquer. » Cette déesse lui répondit : « Si l’aiguillon d’une abeille te fait tant de mal, combien penses-tu, mon fils, que souffrent ceux que tu blesses de tes flèches ? »


DE L’ART DE TRADUIRE[1]

Quand je parle d’une traduction en prose, je ne veux pas parler d’une traduction servile, je parle d’une traduction généreuse et noble, qui, en s’attachant fortement aux idées de son original, cherche les beautés de sa langue, et rend ses images sans compter les mots. La première, par une fidélité trop scrupuleuse, devient très infidèle : car, pour conserver la lettre, elle ruine l’esprit, ce qui est l’ouvrage d’un froid et stérile génie, au lieu que l’autre, en ne s’attachant principalement qu’à conserver l’esprit, ne laisse pas, dans ses plus grandes libertés, de conserver aussi la lettre ; et, par ses traits hardis, mais toujours vrais, elle devient non seulement la fidèle copie de son original, mais un second original même : ce qui ne peut être exécuté que par un génie solide, noble et

  1. Fragment de la Préface sur Horace.