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ANTHOLOGIE FÉMININE

ne voulut plus revoir sa fille, qui était la seule chose à quoi elle se sentait attachée.

Mme de Clèves était dans une affliction extrême. Son mari ne la quittait point, et, sitôt que Mme de Chartres fut expirée, il l’emmena à la campagne pour l’éloigner d’un lieu qui ne faisait qu’aigrir sa douleur. On n’en a jamais vu de pareille. Quoique la tendresse et la reconnaissance y eussent la plus grande part, le besoin qu’elle sentait qu’elle avait de sa mère pour se défendre contre M. de Nemours ne laissait pas d’y en avoir beaucoup. Elle se trouvait malheureuse d’être abandonnée à elle-même dans un temps où elle était si peu maîtresse de ses sentiments, et où elle eût tant souhaité d’avoir quelqu’un qui pût la plaindre et lui donner de la force. La manière dont M. de Clèves en usait pour elle lui faisait souhaiter plus fortement que jamais de ne manquer à rien de ce qu’elle lui devait. Elle lui témoignait aussi plus d’amitié et plus de tendresse qu’elle n’avait encore fait ; elle ne voulait point qu’il la quittât, et il lui semblait qu’à force de s’attacher à lui il la défendrait contre M. de Nemours.

Ce prince vint voir M. de Clèves à la campagne ; il fit ce qu’il put pour rendre aussi une visite à Mme de Clèves, mais elle ne le voulut point recevoir ; et, sentant bien qu’elle ne pouvait s’empêcher de le trouver aimable, elle avait fait une forte résolution de s’empêcher de le voir et d’en éviter toutes les occasions qui dépendraient d’elle.

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