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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS TIGES OU FEUILLES

Si, comme cela paraît probable, les deux plantes sont deux variétés, l’une cultivée, l’autre tantôt sauvage et tantôt cultivée, le nom le plus ancien S. oleracea doit subsister, d’autant plus que les deux plantes se voient dans les cultures du pays d’origine.

L’Épinard de Hollande ou gros Épinard, dont le fruit n’a pas d’épines, est évidemment un produit des jardins. Tragus, soit Bock, en a parlé le premier dans le XVIe siècle[1].

Brède de Malabar. — Amarantus gangeticus, Linné.

Plusieurs Amarantes annuelles sont cultivées, comme légume vert, dans les îles Maurice, Bourbon et Seychelles, sous le nom de Brède de Malabar[2]. Celle-ci paraît la principale. On la cultive beaucoup dans l’Inde. Les botanistes anglo-indiens l’ont prise pendant quelque temps pour l’Amarantus oleraceus de Linné, et Wight en a donné une figure sous ce nom[3], mais on a reconnu qu’elle en diffère et qu’elle se rapporte à l’A. gangeticus. Ses variétés, fort nombreuses, de taille, de couleur, etc., portent dans la langue télinga le nom de Tota Kura, avec addition quelquefois d’un adjectif pour chacune. Il y a d’autres noms en bengali et hindoustani. Les jeunes pousses remplacent quelquefois les asperges sur la table des Anglais[4]. L’A. melancholicus, souvent cultivé dans les jardins d’Europe pour l’ornement, est regardé comme une des formes de l’espèce.

Le pays d’origine est peut-être l’Inde, mais je ne vois pas qu’on y ait récolté la plante à l’état spontané ; du moins les auteurs ne l’affirment pas. Toutes les espèces du genre Amarante se répandent dans les terrains cultivés, les décombres, les bords de routes, et se naturalisent ainsi à moitié, dans les pays chauds comme en Europe. De là une extrême difficulté pour distinguer les espèces et surtout pour deviner ou constater leur origine. Les espèces les plus voisines du gangeticus paraissent asiatiques.

L’A. gangeticus est indiqué comme spontané en Égypte et en Abyssinie, par des auteurs très dignes de confiance[5] ; mais ce n’est peut-être que le fait de naturalisations du genre de celles dont je parlais. L’existence de nombreuses variétés et de noms divers dans l’Inde rend l’origine indienne très probable. Les Japonais cultivent comme légume les Amarantus caudatus, mangostanus et melancholicus (ou gangeticus), de Linné[6], mais rien ne prouve qu’aucun d’entre eux soit indigène.

  1. Bauhin, Hist., II, p. 965.
  2. A. gangeticus, tristis et hybridus, de Linné, d’après Baker, Flora of Mauritius, p. 266.
  3. Wight, Icones, pl. 715.
  4. Roxburgh, Flora indica, éd. 2, vol. III, p. 606.
  5. Boissier, Flora orientalis, IV, p. 990 ; Schweinfurth et Ascherson, Aufzählung, etc., p. 289.
  6. Franchet et Savatier, Enum. plant. Japoniæ, I, p. 390.