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LÉGUMES. — LAITUE

Carduus des horticulteurs romains étaient le Cynara Cardunculus[1], quoique la description la plus détaillée, celle des Théophraste, soit assez confuse. « La plante, disait-il, croît en Sicile » ce qui est encore vrai ; et il ajoutait : « non en Grèce. » Il est donc possible que les pieds observés de nos jours dans ce pays soient le résultat de naturalisations par le fait des cultures. D’après Athénée[2] le roi d’Égypte Ptolomée Euergètes, du IIe siècle avant Jésus-Christ, avait trouvé en Lybie une grande quantité de Kinara sauvages, dont ses soldats avaient profité.

Malgré la proximité de l’habitation naturelle de l’espèce je doute beaucoup que les anciens Égyptiens aient cultivé le Cardon ou l’artichaut. Pickering et Unger[3] ont cru le reconnaître dans quelques dessins des monuments ; mais les deux figures que Unger regarde comme le plus admissibles me paraissent extrêmement douteuses. D’ailleurs on ne connaît aucun nom hébreu, et les Juifs auraient probablement parlé de ce légume s’ils l’avaient vu en Égypte. L’extension de l’espèce doit s’être faite en Asie assez tardivement. Il y a un nom arabe, Hirschuff ou Kerschouff et un nom persan, Kunghir[4], mais pas de nom sanscrit, et les Hindous ont pris le nom persan Kunjir[5], ce qui montre l’époque tardive de l’introduction. Les auteurs chinois n’ont mentionné aucun Cynara[6]. En Angleterre, la culture de l’Artichaut n’a été introduite qu’en 1548[7]. L’un des faits les plus curieux dans l’histoire du Cynara Cardunculus est sa naturalisation, dans le siècle actuel, sur une vaste étendue des pampas de Buenos-Ayres, au point de gêner les communications[8]. Il devient incommode également au Chili[9]. On ne dit pas que l’Artichaut se naturalise de cette manière nulle part, ce qui est encore l’indice d’une origine artificielle.

Laitue. — Lactuca Scariola, var. sativa.

Les botanistes s’accordent à considérer la laitue cultivée comme une modification de l’espèce sauvage appelée Lactuca Scariola[10].

  1. Theophrastes, Hist., l. 6, c. 4 ; Pline, Hist., l. 19, c. 8 ; Lenz, Botanik der alten Griechen und Rœmer, p. 480.
  2. Athénée, Deipn., 2, 84.
  3. Pickering, Chronol. arrangement, p. 71 ; Unger, Pflanzen des alten Ægyptens, p. 46, fig. 27 et 28.
  4. Ainslies, Mat. méd. ind., 1, p. 22.
  5. Piddington, Index.
  6. Bretschneider, Study, etc., et Lettres de 1881.
  7. Phillips, Companion to the kitchengarden, p. 22.
  8. Aug. de Saint-Hilaire, Plantes remarq. du Brésil, Introd., p. 58 ; Darwin, Animals and plants under domestication, 2, p. 34.
  9. Cl. Gay, Flora chilena, 4, p. 317.
  10. L’auteur qui a examiné cette question avec le plus de soin est Bischoff, dans ses Beiträge zur flora Deutschlands und der Schweiz, p. 184. Voir aussi Moris, Fl. sardoa, 2, p. 530.