Page:Alphonse de Candolle - Origine des plantes cultivées, 1883.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES

qu’il s’agit de l’origine des espèces cultivées, certaines considérations historiques et linguistiques peuvent guider, sans qu’il soit absolument besoin de connaître et d’apprécier les caractères botaniques de chacune.

Roxburgh énumère plusieurs Dioscoreas[1] cultivés dans l’Inde, mais il n’en a trouvé aucun à l’état sauvage, et ni lui ni Piddington[2] ne citent des noms sanscrits. Ce dernier point fait présumer une culture peu ancienne, ou jadis peu répandue dans l’Inde, provenant soit d’espèces indigènes encore mal définies, soit d’espèces étrangères cultivées ailleurs. Le nom générique bengali et hindou est Aloo (prononcez Alou), précédé d’un nom spécial pour chaque variété ou espèce, par exemple Kam Aloo, pour Dioscorea alata. L’absence de noms distincts dans chaque province fait encore présumer une culture peu ancienne. A Ceylan M. Thwaites[3] indique six espèces spontanées, et il ajoute que les Dioscorea sativa L., D. alata L., et D. purpurea Roxb, sont cultivés dans les jardins, mais non sauvages.

L’Igname de Chine, Dioscorea Batatas de Decaisne[4], cultivé en grand par les Chinois, sous le nom de Sain-In et introduit par M. de Montigny dans les jardins d’Europe, où il reste comme un légume de luxe, n’a pas été trouvé sauvage en Chine jusqu’à présent. D’autres espèces moins connues sont aussi cultivées par les Chinois, en particulier le Chou-Yu, Tou-Tchou, Chan-Yu, mentionné dans leurs anciens ouvrages d’agriculture et qui a des rhizomes sphériques (au lieu des fuseaux pyriformes du D. Batatas). Les noms signifient, d’après Stanislas Julien, Arum de montagne, par où l’on peut inférer une plante véritablement du pays. Le Dr  Bretschneider[5] indique trois Dioscoreas comme cultivés en Chine (Dioscorea Batatas, alata, sativa), et il ajoute : « Le Dioscorea est indigène en Chine, car il est mentionné dans le plus ancien ouvrage de matière médicale, celui de l’empereur Schen-nung. »

Le Dioscorea Japonica, Thunberg, cultivé au Japon, a été récolté aussi dans les taillis de localités diverses, sans qu’on sache positivement, disent MM. Franchet et Savatier[6], jusqu’à quel point il est indigène ou répandu par un effet de la culture. Une autre espèce, plus souvent cultivée au Japon, se propage çà et là dans la campagne, d’après les mêmes auteurs. Ils la rapportent au Dioscorea sativa de Linné, mais on sait que l’illustre Suédois avait confondu plusieurs espèces asiatiques et américaines sous ce nom, qu’il faut ou abandonner, ou restreindre à

  1. Ce sont les D. globosa, alata, rubella, purpurea, fasciculata, dont deux ou trois paraissent de simples variétés.
  2. Piddington, Index.
  3. Thwaites, Enum. plant. Zeylan, p. 326.
  4. Decaisne, Histoire et culture de l’Igname de Chine, dans Revue horticole, 1er  juillet et déc. 1853 ; Flore des serres et jardins X, pl. 971.
  5. Bretschneider, Study and value of chinese botanical works, p. 12.
  6. Franchet et Savatier, Enum. plant, Japoniæ, 2, p. 47.