Page:Alphonse de Candolle - Origine des plantes cultivées, 1883.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES

grec paraît avoir été Scorodon, en grec moderne Scordon. Les noms chez les Slaves d’Illyrie sont Bili, Cesan. Les Bretons disent Quinen[1]. Les Gallois Craf, Cenhinen ou Garlleg, d’où le Garlic des Anglais. L’Allium des Latins a passé dans les langues d’origine latine[2]. Cette grande diversité de noms fait présumer une ancienne connaissance de la plante et même une ancienne culture dans l’Asie occidentale et en Europe. D’un autre côté, si l’espèce n’avait existé que dans le pays des Kirghis, où on la trouve maintenant, les Aryas auraient pu la cultiver et l’avoir transportée dans l’Inde et en Europe ; mais alors pourquoi tant de noms celtiques, slaves, grecs, latins, différents du sanscrit ? Pour expliquer cette diversité, il faudrait supposer une extension de la patrie primitive vers l’ouest de l’habitation connue aujourd’hui, extension qui aurait été antérieure aux migrations des Aryas.

Si le genre Allium était une fois, dans sa totalité, l’objet d’un travail aussi sérieux que celui de J. Gay sur quelques-unes de ses espèces[3], on trouverait peut-être que certaines formes spontanées en Europe, comprises par les auteurs dans les A. arenarium L., ou A. arenarium Sm., ou A. Scorodoprasum L., ne sont que des variétés de l’A. sativum. Alors tout concorderait : les peuples les plus anciens d’Europe et de l’Asie occidentale auraient cultivé l’espèce telle qu’ils la trouvaient depuis la Tartarie jusqu’en Espagne, en lui donnant des noms plus ou moins différents.

Oignon. — Allium Cepa, Linné.

Je dirai d’abord ce qu’on savait en 1855[4]. J’ajouterai ensuite des observations botaniques récentes qui confirment ce qu’on pouvait présumer d’après les données linguistiques.

L’Oignon est une des espèces le plus anciennement cultivées. Son habitation primitive est inconnue, d’après Kunth[5]. Voyons s’il est possible de la découvrir. Les Grecs modernes appellent Krommudi l’Allium Cepa, qu’ils cultivent beaucoup[6]. C’est une bonne raison pour croire que le Krommuon de Théophraste[7], est la même espèce, comme les auteurs du XVIe siècle le pensaient

  1. Davies, Welsh botanology.
  2. Tous ces noms vulgaires se trouvent dans mon dictionnaire compilé par Moritzi, d’après les flores. J’aurais pu en citer un plus grand nombre et mentionner des étymologies probables d’après les philologues, par exemple d’après l’ouvrage de Hehn, Kulturpflanzen aus Asien, p. 171 et suivantes ; mais ce n’est pas nécessaire pour indiquer le fait d’origines géographiques multiples et de la culture ancienne en divers pays.
  3. Annales des sc. nat., 3e série, vol. 8.
  4. A. de Candolle, Géogr. bot. raisonnée, 2, p. 828.
  5. Kunth, Enum., 4, p. 394.
  6. Fraas, Syn. fl. class., p. 291.
  7. Théophraste, Hist., 1. 7, c. 4.