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BATATE

Les racines de cette plante, renflées en tubercules, ressemblent aux Pommes de terre, d’où il est résulté que les navigateurs du XVIe siècle ont appliqué le même nom à ces deux espèces très différentes. La Batate est de la famille des Convolvulacées, la Pomme de terre de celle de Solanées ; les parties charnues de la première sont des racines, celles de la seconde des rameaux souterrains[1].

La Batate est sucrée, en même temps que farineuse. On la cultive dans tous les pays intertropicaux ou voisins des tropiques, plus peut-être dans le nouveau monde que dans l’ancien[2].

Son origine est douteuse d’après un grand nombre d’auteurs. De Humboldt[3], Meyen[4], Boissier[5], indiquent une origine américaine; Bojer[6], Choisy[7], etc., une origine asiatique. La même diversité se remarque dans les ouvrages antérieurs. La question est d’autant plus difficile que les Convolvulacées sont au nombre des plantes les plus répandues dans le monde, soit depuis des époques très anciennes, soit par l’effet de transports modernes.

En faveur de l’origine américaine, il y a des motifs puissants. Les 15 espèces connues du genre Batatas se trouvent toutes en Amérique, savoir 11 dans ce continent seul et 4 à la fois en Amérique et dans l’ancien monde, avec possibilité ou probabilité de transports. La culture de la Batate commune est très répandue en Amérique. Elle remonte à une époque reculée. Marcgraff[8] la cite pour le Brésil, sous le nom de Jetica, Humboldt dit que le nom Camote vient d’un mot mexicain. Le mot de Batatas (d’où par transposition erronée on a fait Potatoe, pomme de terre) est donné pour américain. Sloane et Hughes[9] parlent de la Batate comme d’une plante très cultivée, ayant plusieurs variétés aux Antilles. Ils ne paraissent pas soupçonner une origine étrangère. Clusius, qui l’un des premiers a parlé de la Batate, dit en avoir mangé dans le midi de l’Espagne, où l’on prétendait l’avoir reçue du nouveau monde[10]. Il indique les noms de Batatas, Camotes, Amotes, Ajes[11] qui étaient étrangers aux langues de

  1. Turpin a publié de bonnes figures qui montrent clairement ces faits. Voy. Mémoires du Muséum, in-4, vol. 19, pl. 1, 2 et 3.
  2. Le Dr Sagot a donné des détails intéressants sur le mode de culture, le produit, etc., dans le Journal de la Société d’hortic. de France, vol. 5, 2e série, p. 450-458.
  3. Humboldt, Nouv.-Espagne, éd. 2, vol. 2, p. 470.
  4. Meyen, Grundrisse Pflanz. geogr., p. 373.
  5. Boissier, Voyage botanique en Espagne.
  6. Bojer, Hort. maurit., p. 225.
  7. Choisy, dans Prodromus, 9, p. 338.
  8. Marcgraff, Bres., p. 16, avec fig.
  9. Sloane, Hist. Jam., I, p. 150; Hughes, Barb. p. 228.
  10. Clusius, hist., II, p. 77.
  11. Ajes était un nom de l’igname (Humb., Nouv-Esp., 2e édit., vol. 2, p. 467, 468).