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POMME DE TERRE

et végétant avec une vigueur singulière, qu’on peut attribuer à l’humidité du climat. Les plus grands individus avaient quatre pieds de hauteur. Les tubercules étaient petits, quoique l’un d’eux eût deux pouces de diamètre. Ils étaient aqueux, insipides, mais sans mauvais goût après la cuisson. « La plante est indubitablement spontanée », dit l’auteur[1] et l’identité spécifique a été confirmée par Henslow d’abord et ensuite par sir Joseph Hooker, dans son Flora antarctica[2].

Un échantillon de notre herbier recueilli par Claude Gay, attribué au Solanum tuberosum par Dunal, porte sur l’étiquette : « Au centre des cordillières de Talcagoué et de Gauquenès, dans les endroits que visitent seulement les botanistes et les géologues. » Le même auteur, Cl. Gay, dans son Flora chilena[3], insiste sur la fréquence de la Pomme de terre sauvage au Chili, jusque chez les Araucaniens, dans les montagnes de Malvarco, où, dit-il, les soldats de Pincheira allaient les chercher pour se nourrir. Ces témoignages constatent assez l’indigénat au Chili pour que j’en omette d’autres moins probants, par exemple ceux de Molina et de Meyen, dont les échantillons du Chili n’ont pas été examinés.

Le climat des côtes du Chili se prolonge sur les hauteurs en suivant la chaîne des Andes, et la culture de la Pomme de terre est ancienne dans les régions tempérées du Pérou, mais la qualité spontanée de l’espèce y est beaucoup moins démontrée qu’au Chili. Pavon[4] prétendait l’avoir trouvée sur la côte, à Chancay et près de Lima. Ces localités paraissent bien chaudes pour une espèce qui demande un climat tempéré ou même un peu froid. D’ailleurs l’échantillon de l’herbier de M. Boissier recueilli par Pavon, appartient, d’après Dunal, à une autre espèce qu’il a nommée[5] Solanum immite. J’ai vu l’échantillon authentique et n’ai aucun doute que ce ne soit une espèce distincte du S. tuberosum. Sir W. Hooker[6] cite un échantillon, de Mac Lean, des collines autour de Lima, sans aucune information sur la spontanéité. Les échantillons (plus ou moins sauvages ? ) que Matthews a envoyés du Pérou à sir W. Hooker appartiennent, d’après sir Joseph[7], à des variétés un peu différentes de la vraie Pomme de terre. M. Hemsley[8], qui les a vus récemment dans l’herbier de Kew, les juge « des formes distinctes, pas plus cependant que certaines variétés de l’espèce. »

Weddell, dont nous connaissons la prudence dans cette question, s’exprime ainsi[9] : « Je n’ai jamais rencontré au Pérou le

  1. Jourmal of the voyage, etc., éd. 1852, p. 285.
  2. Vol. 1, part. 2, p. 329.
  3. Vol. 5, p. 74.
  4. Ruiz et Pavon, Flora peruviana, II, p. 38.
  5. Dunal, Prodromus, 13, sect. 1, p. 32.
  6. Hooker, Bot. miscell., II.
  7. Hooker, Flora antarctica, l. c.
  8. Journal of the royal hortic. Society, new series, vol. 5.
  9. Weddell, Chloris Andina, l. c.