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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES

cultures sur des points qui paraîtraient presque inaccessibles à la grande majorité de nos fermiers d’Europe, on comprend qu’un voyageur visitant par hasard une de ces cultures depuis longtemps abandonnées, et y rencontrant un pied de Solanum tuberosum qui y a accidentellement persisté, le recueille, dans la persuasion qu’il y est réellement spontané ; mais où en est la preuve ? »

Voyons maintenant les faits. Ils sont nombreux pour ce qui concerne la spontanéité au Chili.

En 1822, Alexandre Caldcleugh[1] consul anglais, remet à la Société d’horticulture de Londres des tubercules de Pommes de terre qu’il avait recueillis « dans des ravins autour de Valparaiso ». Il dit que ces tubercules sont petits, tantôt rouges et tantôt jaunâtres, d’un goût un peu amer[2]. « Je crois, ajoute-t-il, que cette plante existe sur une grande étendue du littoral, car elle se trouve dans le Chili méridional, où les indigènes l’apellent Maglia. » Il y a probablement ici une confusion avec le S. maglia des botanistes ; mais les tubercules de Valparaiso, plantés à Londres, ont donné la vraie Pomme de terre, ce qui saute aux yeux en voyant la planche coloriée de Sabine dans les Transactions de la Société d’horticulture. On continua quelque temps à cultiver cette plante, et Lindley certifia de nouveau, en 1847, son identité avec la Pomme de terre commune[3]. Voici ce qu’un voyageur expliquait à sir William Hooker[4] sur la plante de Valparaiso : « J’ai noté la Pomme de terre sur le littoral jusqu’à 15 lieues au nord de cette ville, et au midi, mais sans savoir jusqu’à quelle distance. Elle habite sur les falaises et les collines près de la mer, et je n’ai pas souvenir de l’avoir vue à plus de deux ou trois lieues de la côte. Bien qu’on la trouve dans les endroits montueux, loin des cultures, elle n’existe pas dans le voisinage immédiat des champs et des jardins où on la plante, excepté lorsqu’un ruisseau traverse ces terrains et porte des tubercules dans les endroits non cultivés. » Les Pommes de terre décrites par ces deux voyageurs avaient des fleurs blanches, comme cela se voit dans quelques variétés cultivées en Europe, et comme la plante semée jadis par de L’Écluse. On peut présumer que c’est la couleur primitive pour l’espèce ou, au moins, une des plus fréquentes à l’état spontané.

Darwin, dans son voyage à bord du Beagle, trouva la Pomme de terre sauvage dans l’archipel Chonos, du Chili méridional, sur les sables du bord de la mer, en grande abondance,

  1. Sabine, Transactions of the horticultural Society, vol. 5, p. 249.
  2. Il ne faut pas attacher de l’importance à cette saveur, ni à la qualité aqueuse de certains tubercules, attendu que dans les pays chauds, même dans le midi de l’Europe, la Pomme de terre est souvent médiocre. Une exposition à la lumière verdit les tubercules, qui sont des rameaux souterrains de la tige, et les rend amers.
  3. Journal of the hortic. Society, vol. 3, p. 66.
  4. Hooker, Botanical miscell., 1831, vol. 2, p. 203.