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POMME DE TERRE

en 1623, mentionne l’espèce comme apportée précédemment, sans indication de date, d’Espagne ou de Portugal, par des carmes déchaussés. Ce serait donc vers la fin du XVIe siècle ou au commencement du XVIIe que la culture se serait répandue en Toscane. Indépendamment de ce que disent de L’Écluse et l’agronome de Valombrosa sur l’introduction par la péninsule espagnole, il n’est nullement probable que les Italiens aient eu des rapports avec les compagnons de Raleigh.

Personne ne peut douter que la Pomme de terre ne soit originaire d’Amérique ; mais, pour connaître de quelle partie précisément de ce vaste continent, il est nécessaire de savoir si la plante s’y trouve à l’état spontané et dans quelles localités.

Pour répondre nettement à cette question, il faut d’abord écarter deux causes d’erreurs : l’une qu’on a confondue avec la Pomme de terre des espèces voisines du genre Solanum ; l’autre que les voyageurs ont pu se tromper sur la qualité de plante spontanée.

Les espèces voisines sont le Solanum Commersonii de Dunal, dont j’ai déjà parlé ; le S. Maglia de Molina, espèce du Chili ; le S. immite de Dunal, qui est du Pérou ; et le S. verrucosum de Schlechtendal, qui croît au Mexique. Ces trois sortes de Solanum ont des tubercules plus petits que le S. tuberosum et diffèrent aussi par d’autres caractères indiqués dans les ouvrages spéciaux de botanique. Théoriquement, on peut croire que toutes ces formes et d’autres encore croissant en Amérique, dérivent d’un seul état antérieur ; mais, à notre époque géologique, elles se présentent avec des diversités qui me paraissent justifier des distinctions spécifiques, et il n’a pas été fait d’expériences pour prouver qu’en fécondant l’une par l’autre on obtiendrait des produits dont les graines (et non les tubercules) continueraient la race[1]. Laissons de côté ces questions plus ou moins douteuses sur les espèces. Cherchons si la forme ordinaire du Solanum tuberosum a été trouvée sauvage, et notons seulement que l’abondance des Solanum à tubercules croissant en Amérique dans les régions tempérées, du Chili ou de Buenos-Ayres jusqu’au Mexique, confirme le fait de l’origine américaine. On ne saurait rien de plus que ce serait une forte présomption sur la patrie primitive.

La seconde cause d’erreur est expliquée très nettement par le (botaniste Weddell[2], qui a parcouru avec tant de zèle la Bolivie et les contrées voisines. « Quand on réfléchit, dit-il, que dans l’aride cordillière les Indiens établissent souvent leurs petites

  1. Le Solanum verrucosum, dont j’ai raconté, en 1855, l’introduction dans le pays de Gex, près de Genève, a été abandonné, parce que ses tubercules sont trop petits et qu’il ne résistait pas à l’oïdium, comme on s’en était flatté.
  2. Chloris Andina, in-4, p. 103.