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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES

abandonnée, jusqu’à l’époque où Althen l’introduisit de nouveau dans le comté d’Avignon, au milieu du XVIIIe siècle. Elle était jadis florissante en Alsace, en Allemagne, en Hollande et surtout dans la Grèce, l’Asie Mineure et la Syrie, d’où l’exportation était considérable, mais la découverte de matières tinctoriales tirées de substances inorganiques a supprimé cette culture, au détriment des provinces qui en obtenaient de grands bénéfices.

Topinambour.Helianthus tuberosus, Linné.

C’est dans l’année 1616 que les botanistes européens ont parlé pour la première fois de cette Composée à grosse racine, meilleure pour la nourriture des animaux que pour celle de l’homme. Columna[1] l’avait vue dans le jardin du cardinal Farnèse et l’avait nommée Aster peruanus tuberosus. D’autres auteurs du même siècle ont donné des épithètes qui montrent qu’on la croyait ou du Brésil, ou du Canada, ou de l’Inde, ce qui voulait dire l’Amérique. Linné[2] avait adopté, d’après l’opinion de Parkinson, l’origine canadienne, dont il n’avait cependant aucune preuve. J’ai fait remarquer autrefois[3] qu’il n’y a pas d’espèces du genre Helianthus au Brésil, et qu’elles sont au contraire nombreuses dans l’Amérique du Nord.

Schlechtendal[4], après avoir constaté que le Topinambour supporte des hivers rigoureux dans le centre de l’Europe, fait observer que c’est favorable à l’idée d’une origine canadienne et contraire à celle d’une provenance de quelque région méridionale. Decaisne[5] a pu élaguer dans la synonymie de l’H. tuberosus plusieurs citations qui avaient fait croire à une origine de l’Amérique méridionale ou du Mexique. Comme les botanistes américains, il rappelle ce que d’anciens voyageurs avaient dit sur certaines coutumes des indigènes du nord des États-Unis et du Canada. Ainsi Champlain, en 1603, avait vu « entre leurs mains des racines qu’ils cultivent, lesquelles ont le goût d’artichaut. » Lescarbot[6] parle de ces racines, ayant goût de cardon, qui multiplient beaucoup, et qu’il avait rapportées en France, où l’on commençait à les vendre sous le nom de Topinambaux, Les sauvages, dit-il, les appellent Chiquebi, Decaisne cite encore deux horticulteurs français du XVIIe siècle. Colin et Sagard, qui parlent évidemment du Topinambour et disent qu’il venait du Canada. Notons qu’à cette époque le nom de Canada avait un sens vague et comprenait quelques parties des États-Unis actuels.

  1. Columna, Ecphrasis, II, p. 11.
  2. Linné, Hortus cliffortianus, p. 420.
  3. A. de Candolle, Géogr. bot. raisonnée, p. 824.
  4. Schlechtendal, Bot. Zeit., 1858, p. 113.
  5. Decaisne, Recherches sur l’origine de quelques-unes de nos plantes alimentaires, dans la Flore des serres et jardins, vol. 23, 1881.
  6. Lescarbot, Histoire de la Nouvelle-France, éd. 3, 1618, t. VI, p. 931.