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GARANCE

sée pendant l’hiver. Les bulbes que nous avions communiquées à divers jardins botaniques, en Italie, en France et ailleurs, ont eu le même sort. Évidemment, si la plante, en Amérique, vaut réellement la pomme de terre comme produit et comme goût, ce ne sera jamais le cas en Europe. Sa culture ne s’est pas répandue au loin en Amérique, jusqu’au Chili et au Mexique, comme celle de la pomme de terre ou de la Batate, ce qui confirme les difficultés de propagation observées ailleurs.

Garance.Rubia tinctorum, Linné.

La garance est certainement spontanée en Italie, en Grèce, en Crimée, dans l’Asie Mineure, en Syrie, en Perse, en Arménie et près de Lenkoran[1]. En avançant de l’est à l’ouest dans le midi de l’Europe, la qualité de plante spontanée, originaire, est de plus en plus douteuse. Déjà en France on hésite. Dans le nord et l’est, la plante paraît « naturalisée dans les haies, sur les murailles[2], » ou « subspontanée » à la suite d’anciennes cultures[3]. En Provence, en Languedoc, elle est plus spontanée ou, comme on dit « sauvage », mais il se peut bien qu’elle se soit répandue à la suite des cultures, faites assez en grand. Dans la péninsule espagnole, elle est indiquée comme « subspontanée[4] ». De même dans l’Afrique septentrionale[5]. Évidemment l’habitation naturelle, ancienne et incontestable est l’Asie tempérée occidentale et le sud-est de l’Europe. Il ne parait pas qu’on ait trouvé la plante au delà de la mer Caspienne, dans le pays occupé jadis par les Indo-Européens, mais cette région est encore peu connue. L’espèce n’existe dans l’Inde qu’à l’état de plante cultivée, sans aucun nom sanscrit[6].

On ne connaît pas davantage un nom hébreu, tandis que les Grecs, les Romains, les Slaves, les Germains, les Celtes avaient des noms variés qu’un érudit ramènerait peut-être à une ou deux racines, mais qui indiquent cependant par leurs flexions multiples une date ancienne. Probablement on a recueilli les racines sauvages, dans la campagne, avant d’avoir l’idée de cultiver l’espèce. Pline dit bien qu’on la cultivait en Italie de son temps[7], et il est possible qu’en Grèce et dans l’Asie Mineure cet usage fût plus ancien.

La culture de la garance est souvent mentionnée dans les actes français du moyen âge[8]. Ensuite on l’avait négligée ou

  1. Bertoloni, Flora italica, II, p. 146 ; Decaisne, Recherches sur la Garance, p. 58 ; Boissier, Flora orientalis, III, p. 17 ; Ledebour, Flora rossica, II, p. 405.
  2. Cosson et Germain, Flore des environs de Paris, II, p. 365.
  3. Kirschleger, Flore d’Àlsace, I, p. 359.
  4. Willkomm et Lange, Prodromus floræ hispanicæ, II, p. 307.
  5. Bail, Spicilegium Floræ maroccanæ, p. 483 ; Munby, Catal. plant. Alger., éd. 2, p. 17.
  6. Piddington, Index.
  7. Plinius, lib. 19, cap. 3.
  8. De Gasparin, Traité d’agriculture, IV, p. 253.