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PLANTES CULTIVÉES POUR LEURS PARTIES SOUTERRAINES

qu’en Suède[1], et dans les îles britanniques plus qu’en Hollande, où l’on ne soupçonne pas une origine étrangère[2].

Les noms de l’espèce confirment une habitation primitive à l’est plutôt qu’à l’ouest de l’Europe ; ainsi le nom Chren, en russe[3], se retrouve dans toutes les langues slaves : Krenai en lithuanien, Chren en illyrien[4], etc. Il s’est introduit dans quelques dialectes allemands, par exemple autour de Vienne[5], ou bien il a persisté dans ce pays, malgré la superposition de la langue allemande. Nous lui devons aussi le mot français Cran ou Cranson. Le mot usité en Allemagne, Meerretig, et en Hollande, Meer-radys, d’où notre dialecte de la Suisse romande a tiré le mot Méridi ou Mérédi, signifie radis de mer et n’a pas quelque chose de primitif comme le mot Chren, Il résulte probablement de ce que l’espèce réussit près de la mer, circonstance commune avec beaucoup de Crucifères et qui doit se présenter pour celle-ci, car elle est spontané dans la Russie orientale, où il y a beaucoup de terrains salés. Le nom suédois Peppar-rot[6] peut faire penser que l’espèce est plus récente en Suède que l’introduction du poivre dans le commerce du nord de l’Europe. Toutefois ce nom pourrait avoir succédé à un autre plus ancien demeuré inconnu. Le nom anglais Horse radish (radis de cheval) n’est pas d’une nature originale, qui puisse faire croire à l’existence de l’espèce dans le pays avant la domination anglo-saxonne. Il veut dire radis très fort. Le nom gallois Rhuddygl maurth[7], n’est que la traduction du mot anglais, d’où l’on peut inférer que les Celtes de la Grande-Bretagne n’avaient pas un nom spécial et ne connaissaient pas l’espèce. Dans la France occidentale, le nom de Raifort, qui est le plus usité, signifie simplement racine forte. On disait autrefois en France Moutarde des Allemands, Moutarde des capucins, ce qui montre une origine étrangère et peu ancienne. Au contraire, le mot Chren de toutes les langues slaves, mot qui a pénétré dans quelques dialectes allemands et français sous la forme de Kreen et Cran ou Cranson, est bien d’une nature primitive, montrant l’antiquité de l’espèce dans l’Europe orientale tempérée. Il est donc infiniment probable que la culture a propagé et naturalisé la plante de l’est à l’ouest, depuis environ un millier d’années. »

Raves et Navets à racines charnues.Brassicæ species et varietates radïce incrassata.

  1. Fries, Summa, p. 30.
  2. Miquel, Disquisito pl. regn. Bat.
  3. Moritzi, Dict. inéd. des noms vulgaires.
  4. Moritzi, ibid. ; Visiani, Fl. dalm., III, p. 322.
  5. Neilreich, Fl. Wien, p. 502.
  6. Linné, Fl. suecica, n° 540.
  7. H. Davies, Welsh Botanology, p. 63.