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OBSERVATIONS GÉNÉRALES

pays arriérés ou dont le climat lui est particulièrement favorable. J’ai laissé de côté dans mes recherches quelques-unes de ces espèces à peu près abandonnées, comme le Pastel (Isatis tinctoria), la Mauve (Malva sylvestris), légume usité chez les Romains, certaines plantes officinales fort employées autrefois, comme le Fenouil, le Cumin, la Nigelle, etc., mais il est certain qu’on les cultive encore partiellement.

La concurrence des espèces fait que la culture de chacune augmente ou diminue. En outre, les plantes tinctoriales et officinales sont fortement menacées par les découvertes des chimistes. Le Pastel, la Garance, l’Indigo, la Menthe et plusieurs simples doivent céder devant l’invasion des produits chimiques. Il est possible qu’on parvienne à faire de l’huile, du sucre, de la fécule, comme on fait déjà du miel, du beurre et des gelées, sans se servir des êtres organisés. Rien ne changerait plus les conditions agricoles du monde que la fabrication, par exemple, de la fécule, au moyen de ses éléments connus et inorganiques.

Dans l’état actuel des sciences, il y a encore des produits qu’on demandera, je présume, de plus en plus au règne végétal : ce sont les matières textiles, le tannin, le caoutchouc, la guttapercha et certaines épices. A mesure qu’on détruit les forêts d’où on les tire et que ces matières seront en même temps plus demandées, on sera plus tenté de mettre en culture certaines espèces.

Elles appartiennent généralement aux flores des pays tropicaux. C’est aussi dans ces régions, en particulier dans l’Amérique méridionale, qu’on aura l’idée de cultiver certains arbres fruitiers, par exemple de la famille des Anonacées, dont les indigènes et les botanistes connaissent déjà le mérite. On augmentera probablement les fourrages et les arbres forestiers de nature à vivre dans des pays chauds et secs. Les additions ne seront pas nombreuses dans les régions tempérées, ni surtout dans les régions froides.

D’après ces données et ces aperçus, il est probable qu’à la fin du XIXe siècle les hommes cultiveront en grand et pour leur utilité environ 300 espèces. C’est une petite proportion des 120 ou 140 000 du règne végétal ; mais dans l’autre règne, la proportion des êtres soumis à l’homme est bien plus faible. Il n’y a peut-être pas plus de 200 espèces d’animaux domestiqués ou simplement élevés pour notre usage, et le règne animal compte des millions d’espèces. Dans la grande classe des Mollusques, on élève l’huître, et dans celle des Articulés, qui compte dix fois plus d’espèces que le règne végétal, on peut citer l’abeille et deux ou trois insectes produisant de la soie. Sans doute le nombre des espèces animales ou végétales qu’on peut élever ou cultiver pour son plaisir ou par curiosité est immense : témoins les ménageries et les jardins zoologiques ou botaniques ; mais