Page:Alphonse de Candolle - Origine des plantes cultivées, 1883.djvu/379

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
365
OBSERVATIONS GÉNÉRALES

ans. Pendant la durée de la civilisation gréco-romaine et depuis, les espèces mises en culture répondent presque toutes à des besoins plus variés ou plus raffinés. Il s’est fait aussi un grand travail d’extension des espèces anciennes d’un pays à l’autre, et en même temps de sélection de variétés meilleures survenues dans chaque espèce.

Les introductions depuis deux mille ans ont eu lieu d’une façon très irrégulière et intermittente. Je ne pourrais pas citer une seule espèce mise en culture depuis cette date par les Chinois, ces grands cultivateurs des temps anciens. Les peuples de l’Asie méridionale ou occidentale ont innové, dans une certaine mesure, en cultivant les Sarrasins, plusieurs Cucurbitacées, quelques Allium, etc. En Europe, les Romains, et, dans le moyen âge, divers peuples, ont introduit la culture de certains légumes ou fruits et celle de plusieurs fourrages. En Afrique, un petit nombre de cultures ont commencé alors, isolément. Lorsque les voyages de Vasco de Gama et Christophe Colomb sont survenus, l’effet produit a été une diffusion rapide des espèces déjà cultivées dans l’un ou l’autre hémisphère. Les transports ont continué pendant trois siècles, sans qu’on se soit occupé sérieusement de cultures nouvelles. Dans les deux ou trois cents ans qui ont précédé la découverte de l’Amérique et les deux cents qui ont suivi, le nombre des espèces cultivées est resté presque complètement stationnaire. Les Fraisiers d’Amérique, le Diospyros virginiana, le Sea-Kale {Crambe maritima) et le Tetragonia expansa, introduits dans le XVIIIe siècle, n’ont guère eu d’importance. Il faut arriver au milieu du siècle actuel pour constater de nouvelles cultures de quelque valeur au point de vue utilitaire. Je rappellerai l’Eucalyptus globulus d’Australie et les Cinchonas de l’Amérique méridionale.

Le mode d’introduction de ces dernières espèces montre le changement énorme qui s’est fait dans les moyens de transport. Précédemment, la culture d’une plante commençait dans le pays où elle existait, tandis que l’Eucalyptus d’Australie a été planté et semé d’abord en Algérie, et les Cinchonas d’Amérique, dans l’Asie méridionale. Jusqu’à l’époque actuelle, les jardins botanique ou d’amateurs avaient répandu des espèces déjà cultivées quelque part. Maintenant ils introduisent des cultures absolument nouvelles. Le jardin royal de Kew se distingue sous ce rapport, et d’autres jardins botaniques ou des sociétés d’acclimatation, en Angleterre et ailleurs, font des tentatives analogues. Il est probable que les pays tropicaux en profiteront largement d’ici à un siècle. Les autres y trouveront aussi leur avantage, vu les facilités croissantes pour le transport des denrées.

Lorsqu’une espèce a été répandue dans les cultures, il est rare, et peut-être même sans exemple, qu’on l’abandonne complètement. Elle continue plutôt à être cultivée çà et là dans des